Retour aux actualités
8 mars 2024

Portrait – Juliette VAUCHEZ

Portrait – Juliette VAUCHEZ

Athlète de haut niveau en Wushu, membre de l’équipe de France depuis 2013.

Un retour aux sources 10 ans après !

À l’occasion de la journée des droits de la femme, 8 mars 2024, nous avons le plaisir d’interviewer une athlète hors pair, qui pourra inspirer nos pratiquantes (et pratiquants) d’arts martiaux chinois.

Tout d’abord, merci Juliette d’avoir accepté de répondre à nos questions.

 

Juliette Vauchez 1

Quelles sont les disciplines que tu pratiques ?

Mes spécialités en Wushu moderne sont le Chang quan pour la pratique mains-nues, le Jian shu (épée) et le Qian shu (lance) pour les armes. J’ai commencé à travailler le Kung fu de l’aigle depuis peu durant ma convalescence à la suite d’une blessure au pied.

 

À quel âge as-tu commencé les arts martiaux ?

J’avais un peu plus de 5 ans. Mon père, pratiquant d’arts martiaux, m’avait inscrite au sein du club « Le Petit Institut de Chine », à Bordeaux. Je m’entraîne toujours dans ce lieu, au sein de l’association FANYAO que nous avons créée en 2020 et dans laquelle je donne des cours. 

 

Pourquoi ce choix du Wushu Taolu ?

Ce sont mes parents qui m’ont inscrite. Au départ, on ne peut pas dire que j’ai « choisi » ! Mais j’ai eu un coup de cœur. J’ai tout de suite aimé ces disciplines. Étant perfectionniste, je peux dire qu’elles n’ont eu de cesse de me nourrir. Le Wushu m’a toujours enrichie humainement parlant et aussi sportivement !

Au début je faisais aussi du Sanda, mais je me suis rapidement spécialisée dans le Taolu que je préférais. Cela d’autant plus en basculant vers la compétition. Plus tard, j’ai eu plaisir à revenir au Sanda occasionnellement, pour des passages de grades par exemple.

Aujourd’hui, j’ai 26 ans, je fête en quelque sorte mes 20 ans de Wushu.

 

Peux-tu nous raconter tes entraînements ? As-tu une alimentation particulière ? Un mode de vie équilibré ?

Pour les entraînements, on passe par une multitude d’états d’esprit, tant c’est intense. Aujourd’hui, je m’entraîne seule (sans coach quotidien). Cela nécessite une grande capacité d’analyse au niveau de ma pratique. Je dois réfléchir à une organisation intelligente car j’ai peu de temps. Grâce à la FFAEMC et à mon employeur, j’ai pu bénéficier pour la première fois d’un aménagement d’emploi du temps.

Concrètement, lorsque l’on « débloque » quelque chose au niveau technique, c’est une grande victoire. Il faut surtout garder à l’esprit que l’athlétisation demande beaucoup de rigueur.

Une alimentation équilibrée, oui, mais il faut aussi savoir se faire plaisir.

Une vie de famille harmonieuse est aussi essentielle, il faut se laisser du temps pour voir sa famille. Tout est une question d’équilibre. Il faut trouver le sien pour durer dans le temps. 

 

Que ressens-tu avant de passer devant les juges ? As-tu une sensation différente si c’est un jury national, ou un jury international ?

Mes sensations ont évolué avec le temps ! Je fête mes 20 ans de pratique de Wushu, mais aussi mes 10 ans de championnats du Monde ! J’ai eu la chance de vivre tant d’expériences internationales, et tout autant de sensations différentes. Lors de ces derniers championnats du monde à Dallas, j’ai été étonnée de ne pas être stressée comme les autres fois. En fait, je suis là où je dois être, à l’instant T. J’ai dû m’habituer à entrer sur le tapis de compétition, à prendre des repères. Et puis, avec ma blessure au pied, j’ai dû apprendre à lâcher prise.

Face à un jury national, on est en « terre connue », et je suis fière de montrer le niveau qui permet d’accéder à l’international. Mais il y a quand même un stress. Je me souviens d’une petite fille qui disait à sa maman lors d’un championnat de France : « Regarde maman, c’est Juliette Vauchez ». J’étais surprise ! Désormais, on attend de moi une belle performance. C’est important que je sois à la hauteur. Aussi bien lors des rencontres internationales que sur les réseaux, je sens que je suis attendue et ça m’impressionne autant que ça me touche d’inspirer d’autres pratiquants et pratiquantes.

 

Juliette Vauchez 2

Ton meilleur souvenir durant un championnat ?

Il y en a tellement. Avant tout l’expérience humaine, les rencontres. Notamment avec l’équipe de France dont je fais partie. Chaque équipe est différente mais extraordinaire. On tisse des liens forts, que ce soit entre athlètes français, mais aussi internationaux. Pour l’anecdote, c’est lors du Championnat d’Europe de 2018 à Moscou que nous nous sommes fiancés avec mon époux Benoît, et beaucoup de nos partenaires d’entraînement, devenus nos amis, sont venus au mariage. 

Ce qui me marque le plus, c’est de saluer à la fin du taolu et de me dire que je n’ai rien à regretter, que j’ai accompli ce que je voulais accomplir. Me dire que j’ai fait la meilleure performance que je pouvais offrir en l’état.

Mes médailles sont rangées dans une boîte. Elles ne sont pas exposées. Lorsque la compétition est terminée, je repars sur d’autres projets. Certes, parfois, j’ai plaisir à y jeter un œil et me remémorer les moments qui ont entouré ma performance. Mais les médailles ne sont pas mes meilleurs souvenirs, c’est tout ce qu’elles représentent qui l’est.

 

 

Peux-tu partager une anecdote avec nous ?

Oui ! Il y en a plusieurs. Celle qui me vient, là, c’était en 2017, à Kazan lors des 14ème Championnats du Monde de Wushu. J’ai glissé sur le tapis d’échauffement. J’ai glissé sur 1 ou 2 mètres, assez pour sortir du tapis. Et là, tout le monde m’a regardée. Je me suis relevée en disant « I’m ok ». J’étais gênée, face au formalisme qui entoure les athlètes mondiaux. Mais on s’en remet vite, comme les chutes dans le taolu en compétition, ça aussi j’en ai eu. Hop, on se relève et on continue. Ce sont des choses qui arrivent. 

 

Peux-tu nous parler de tes projets ?

Dans le domaine sportif

En mai 2024, j’aimerais décrocher le titre européen, lors des championnats d’Europe en Suède et participer à la World Cup au Japon en octobre 2024 (si j’ai la chance d’être repêchée). J’ai atteint le Top 10 mondial lors des derniers championnats du Monde de Dallas. (Ndlr : 9ème mondiale et 1ère européenne dans ce classement)

J’ai une revanche à prendre sur la World Cup : Ma dernière n’était pas un franc succès.

C’est un des souvenirs de compétitions les plus difficiles humainement et sportivement. C’était en 2018 à Yangon, une sélection à laquelle je ne m’attendais pas, seule sur place avec la coach nationale, une erreur stratégique qui a pu me coûter la 3e place en épée. Ma lance a cassé à l’échauffement et j’ai donc eu du mal à rentrer dans ma routine. J’ai aussi fait une chute sur le 540. En 2019 à Shanghai je m’étais sélectionnée en atteignant la 8e place en lance, mais la World Cup avait été décalée / annulée à cause de la pandémie COVID-19, et finalement voici celle de fin d’année qui arrive.

Dans le domaine professionnel 

Je suis ingénieure cogniticienne. Je donne aussi des cours de wushu aux enfants. Tout un ensemble d’événements de vie de club à animer chaque année ! Je souhaite petit à petit proposer de l’accompagnement en cours particulier pour des personnes malvoyantes ou malentendantes et peut-être apporter ma contribution dans les hôpitaux. Offrir l’opportunité à un maximum de personnes de découvrir ce bel art qu’est le Wushu.

 

Quelle figure des arts martiaux t’a le plus marquée ? 

Notamment au cinéma ?

J’aime bien les films d’arts martiaux. Karaté Kid (anciens comme nouveaux) par exemple. Et des acteurs comme Jackie Chan ou Donnie Yen. 

 

Et dans la vraie vie, parmi les athlètes nationaux et internationaux ?

Quand j’ai commencé, je jouais aux arts martiaux avec mon père. Il y a ensuite eu mes différents coachs. Et tout au long de mon parcours, j’ai été inspirée par des athlètes nationaux et internationaux. À mes débuts de compétition, l’équipe de France a été source d’inspiration : Paul Rondeau, Pierre Rouvière, Léo Benouaich … Puis en évoluant sur la scène internationale, il y a tellement de noms que je pourrais citer : Peng Ao Feng, Tomoya Okawa, Zahra Kiani, Thuy Vi Duong, et évidemment mon coéquipier Loan Drouard. Voir ces athlètes bouger m’a réellement permis de faire évoluer ma pratique.

 

Quels conseils pourrais-tu donner aux pratiquants d’arts martiaux chinois ?

Je cherche moi-même des conseils ! Je dirai que ce qui m’a servi, c’est qu’il faut être exigeant. La discipline est primordiale. Ne pas « lâcher l’affaire » ! Dans le sport haut niveau, il faut persévérer, ça blesse parfois, moralement, physiquement. Il faut aussi rester ouvert et humble face à la pratique et se remettre toujours en question.

 

Le Wushu est une discipline complexe, avec une dualité qui se complète : il faut être souple et tonique, relâché et puissant, rapide et fluide. En quelque sorte être tout et son contraire. Il s’agit de rester à l’écoute de cela, continuer à chercher, ne pas désespérer ou se bloquer, trouver la meilleure façon de bouger en observant et en prenant conscience du « geste juste » ! Il faut faire en fonction de ses propres capacités, pour réaliser au mieux son potentiel. 

 

 

 

 

 

 

 

 

Propos recueillis par Consiglia Ciaburri, chargée des relations internationales 

Retour aux actualités