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25 octobre 2023

Portraits de femmes – Anya MEOT

La FFAEMC compte dans ses rangs nombre de femmes remarquables, et Anya Méot est la première d’entre elles dans la mesure où elle a initié le mouvement qui a donné naissance à notre fédération en 1989.
Anya nous a quittés en 2022. C’était une femme de conviction qui défendait avec ardeur ses points de vue, dans les débats intra-fédéraux comme dans la presse ou les rencontres avec des personnalités des arts martiaux. Nous tentons donc un exercice audacieux : la faire parler en 2023 à la première personne en une « interview » puisant dans des entretiens parus dans la presse, et soumise au regard critique des proches qui l’ont accompagnée dans l’aventure fédérale comme dans la pratique du taichi chuan.

Anya MEOT a pratiqué le taichi chuan de 1975 à 2022

Anya, comment êtes-vous arrivée au taichi chuan ?

J’ai commencé la danse à l’âge de 6 ans ; entre 12 et 21 ans, je me suis essentiellement consacrée à la peinture, et à la poésie aussi, reléguant la danse au second plan. Après avoir suivi des cours du soir aux Arts Déco de Nice, et dès mon inscription aux Beaux-Arts de Paris, j’ai éprouvé le besoin de me remettre à la danse. Youra Loboff est devenu mon professeur, très russe. De grands danseurs suivaient ses cours de « classique », et parallèlement, j’ai goûté à d’autres styles de danse, notamment avec les compagnies américaines qui donnaient des stages à Paris ou Avignon. Peu à peu, à travers la danse, je me suis intéressée à l’énergie, via y compris l’astrologie qui me passionnait depuis l’âge de 17 ans par ses indications sur les mouvements provoqués par les énergies du Ciel et de la Terre.
J’ai  commencé le tai chi chuan en 1975 et ai été autorisée par mes professeures à enseigner le style Yang de l’école Tung en 1979.

L’énergie, puis les arts martiaux ?

J’avais entendu longtemps mon grand frère parler de judo. Quand j’ai rencontré mon mari, Yan Méot, aux Beaux-Arts, il s’intéressait aux arts martiaux japonais. Quand il a commencé l’aïkido, j’ai commencé le taichi chuan auprès du groupe d’Henriette Nicolas, avec pour professeur particulier Jacqueline Lassart pour laquelle je garde affection, gratitude et admiration. J’avais besoin d’une « tradition de l’énergie » pour mettre de l’ordre dans tout ce que je ressentais dans le mouvement. Conscience du mouvement naturel, de l’espace et de ses quatre orients, de l’enracinement et de la spirale, des « fils » de l’énergie… A la demande de Youra Loboff, j’ai ouvert des cours de « Danse de la Vie ». Mais il me manquait de me relier à la tradition du « mouvement-avec-l’énergie », et il me semble que c’est la Chine qui l’a gardée, notamment à travers ses arts martiaux chinois internes. Le taichi chuan a recentré cette dispersion tournée vers les arts, la recherche essentielle et le mouvement.

Alors… développement personnel ou art martial ?

Je ne parle absolument pas de développement personnel dans mes cours. Pour moi, la philosophie, la sagesse, sont corporels, corps et action. Dans le mouvement et même dans la poussée des mains à deux. Dans la mise en pratique quotidienne, je fais confiance au taichi chuan (et au Tao) pour que les gens n’aient pas besoin de discours et qu’ils comprennent. Leur corps change… et leur tête change.
Anya MEOT enseignait le taichi chuan style Yang. C'est la fondatrice de la FFAEMCQuant à l’art martial, c’est l’essence même du taichi chuan, il est important de préserver cet aspect. Auprès de mon maître, Tung Kai Ying, j’ai vite compris qu’il ne s’agissait pas juste de « la plus ancienne des gymnastiques douces », comme cela se disait dans les années 70. C’est pourquoi, avec les experts fédéraux ayant reçu cet enseignement dans des styles très variés, nous avons tenu à ce que les épreuves techniques préalables aux formations diplômantes comportent les applications martiales, le travail à deux et aux armes.

Est-ce donc pour éviter que le taichi chuan s’édulcore, qu’une fédération dédiée devait voir le jour ? Comment est venue l’idée de cette fédération ?

Dans les années 80, une trentaine de « fédérations » fleurissait dans la plus grande incohérence. Il en fallait une vraie, qui unisse tout le monde.
En 1989, il nous avait semblé qu’une vraie fédération devenait nécessaire, comme cela avait été le cas pour tous les arts martiaux japonais qui étaient représentés par 3 fédérations : la fédération de judo, Jiujitsu et Kendo (FFJDA), la fédération de Karaté (FFKAMA), et enfin deux fédérations d ‘Aikido réunies peu à peu en une seule.
II se créait bien une nouvelle « fédération » de taichi chuan tous les six mois, mais aucune ne réunissait les différentes écoles, elles ne cherchaient qu‘à réunir un style, ou même donner des moyens et de la représentativité à un individu pour payer ses propres voyages en Chine ! J’ai eu cette idée, (soufflée à plusieurs reprises, il est vrai, par Masamichi Noro, maître fondateur du kinomichi). Mes élèves m’ont dit « Tu la veux ? Faisons-la ».
Nous nous sommes tous soutenus là-dedans. Hugues Deriaz le président, Roger Mastini avec son côté très juriste et bon négociateur et moi avons été le trio-clé. Mais quelques autres, beaucoup d’autres, nous ont rejoints, soutenus, aidés, rassurés par leur présence dans les moments difficiles.
Il faut aussi évoquer Jean Terrière : parlant chinois, il avait beaucoup voyagé en Asie, étudié divers taichi chuan, épousé une Asiatique. Il enseignait à Paris depuis 1976. Il fut d’un grand secours pour la fondation de la FTCCT, plus tard en 1989, car il prêta son carnet d’adresses de professeurs en France. Il était devenu le sinologue attitré de la Fédération.

Oui, je suis assez fière, pour nos pratiques, qu’elles n’aient pas accepté, sans broncher, la situation qui leur était faite. Puis très vite, cette fédération s’est ouverte au qi gong et aux arts martiaux chinois externes.

Anya MEOT est interviewée lors d'une démonstration fédérale au parc du Luxembourg à Paris

Anya MEOT interviewée à l’occasion de l’année de la Chine en 2003

Et ce n’est pas fini ! Il faut faire vivre cette fédération de l’intérieur : pour ma part, j’ai formé de nombreux enseignants et les ai poussés à participer à la vie fédérale dans tous ses aspects. Il faut aussi continuer à rassembler les forces en présence, à discuter, à créer d’une manière taoïste dans des structures confucianistes…

 

Sources :
Magazine Génération Tao n°9 – novembre 1998/janvier 1999 – article « Femmes du Tao – L’âme d’une fédération »
European Internal Arts Journal n°1 – Octobre 2004 – article « Arts internes – une perspective européenne »
Dragon n°13 – janvier/février 2006 – « Tung, une famille de maîtres »

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