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La relation pédagogique dans les pratiques du qigong, taichi, méditation et arts martiaux chinois

Par CIFALI Mireille - 07 Avril 2023
Thématiques : Développement personnel, Pédagogie
Discipline : Taichi chuan
Niveaux de pratique : Intermédiaire

Introduction
À l’université de Genève, en Section des sciences de l’éducation , j’ai enseigné à des professionnels de la relation tels que je les ai appelés, à celles et ceux qui exercent des « métiers de l’humain » selon cette formule peut-être pas très judicieuse mais qui signale que ces métiers s’adressent à des êtres humains, comptent avec eux et qu’en cela, ils sont liés à une éthique de l’altérité : avec l’autre, plutôt que pour l’autre. Métiers de l’enseignement, de l’éducation, de la transmission, de l’assistance sociale, de la thérapie, métiers de soins…
Mes références sont psychanalytiques, philosophiques, éthiques, psychosociologiques, littéraires. J’ai acquis la conviction que tous ces métiers sont liés à une même démarche, que nous avons appelée avec d’autres « démarche clinique » et, ce, malgré leurs techniques, théories et objets différents. Pour résister à la propension des humains de s’affronter pour savoir qui a raison, quelle est la théorie la meilleure, je préfère tenter de désigner les points essentiels reliant ces métiers où nous sommes avec des personnes qui, à un moment, traversent une phase qui les rend vulnérables, les confrontant à des épreuves qu’elles ne peuvent surmonter seules.
Vous avez « rencontré », il y a longtemps ou pas, le Qi Gong, le Tai Chi, la méditation ou les arts martiaux chinois. Je peux supposer que cette rencontre vous a transformés, a donné une direction à votre futur, vous a permis de reprendre souffle, vous a guidés, poussés, malgré les difficultés. Vous les avez pratiqués à travers un enseignant, peut-être après bien des tâtonnements, et ce fut, je peux oser ce terme « une révélation ». On souhaite à chacun une telle rencontre qui transforme, qui soutient : elle dépend de deux personnes et non d’une seule.
Je vais dans un premier temps rappeler ce que tout métier de la relation a comme nécessité de penser. Vous pourrez ainsi comprendre ce que vous avez déjà construit par et pour vous-mêmes, ou ce qui s’oppose à cela. Je me suis appuyée pour ce faire sur l’enquête qu’a menée Véronique Berthier. Je la remercie pour la confiance qu’elle m’a témoignée.
Vous êtes, vous, avec un public parfois d’enfants, parfois d’adultes, parfois de personnes âgées, un public qui vient là, la plupart du temps, de lui-même, dans un calendrier d’une ou deux fois par semaine (donc pas en continu). Nous pourrions dès lors penser que vous échappez à des phénomènes agissant dans les métiers de la relation : d’un côté, une personne tombe amoureuse et/ou vous agresse, de la jalousie entrave la vie du groupe, de la rupture et des reproches ; de l’autre côté, un enseignant qui peut abuser de sa position, avec des phénomènes d’emprise, d’utilisation pour son propre compte de la vulnérabilité d’une ou d’un élève. Non, vous n’y échappez pas, vous êtes, vous aussi, concernés par de tels surgissements.
Ce que je vais essayer de formuler relève, d’abord, de l’ordre du « normal », du « banal ». Puis j’aborderai le moment où nous avons à faire avec des processus de nocivité psychique. Cela vous concerne comme enseignant, mais aussi dans vos expériences de quand vous étiez un apprenant.

Des repères pour les « métiers de la relation »
Je pose très sommairement ce qui relève de l’éthique de tout métier de la transmission, mes repères qui sont, ou non, aussi les vôtres.

La dimension relationnelle
Face à une épreuve difficile à traverser, nous grandissons, évoluons, guérissons, pour l’instant, avec l’appui d’une autre personne : la relation étant ce qui soutient, accompagne, ouvre sur un possible. Nous guérissons avec. La présence d’un professionnel, d’une personne est essentielle, cette présence étant exigeante d’attention, d’écoute, de sensibilité, de parole et de silence, de fiabilité́ et de constance. La dimension relationnelle ne peut être occultée. Elle exige de nous y repérer, entre distance et proximité, entre compréhension et ignorance, entre désarroi et joie.
Toute situation humaine est relationnelle. Nous méfier toutefois des beaux mots, comme bienveillance, confiance, égalité. Ils sont l’aboutissement d’un travail, jamais d’un acquis. Si nous les prononçons, ce n’est pas qu’ils seront automatiquement dans nos actes. La relation est porteuse de devenir, comme elle est parfois destructrice de devenir. Elle n’est jamais garantie a priori, elle exige un patient travail en singularité avec les personnes en présence.
Intervient, dans la relation, quelque chose du «juste», de la justice. Être juste avec chacun, il s’agit d’une oscillation, d’une navigation entre proximité et distance1.

Avec
C’est l’autre de la relation qui rend pour lui-même une situation propre à lui permettre d’apprendre, l’aide à dépasser quelque chose qui le freine parfois. Les enseignants ne sont pas des thérapeutes, vous n’êtes pas des thérapeutes, mais ils posent, vous posez des gestes qui peuvent être repris par un autre pour s’approprier un savoir, avec parfois des effets thérapeutiques, en quelque sorte de surcroît.
Nous pouvons prendre soin du cadre, des chemins, des outils, mais c’est un autre qui se les approprie ou pas, c’est un autre qui est à un point où la rencontre se fait et qu’elle a pouvoir de transformation. Ceci, si nous sommes d’accord, relativise notre propension de professionnel à clamer que c’est notre manière de faire, notre théorie qui est la meilleure. Elle peut l’être pour l’un et pas pour l’autre.
Il existe différents chemins que nous pouvons ouvrir.

En présence
Nous avons des techniques, des outils. Ce qui importe aussi c’est de sentir, regarder, écouter ce que l’autre en fait et de proposer des éléments qui sont en phase avec ce qui se passe dans l’instant. C’est le dialogue se tissant avec ce qui advient, nous dérange, nous brouille, avec ce qui n’est pas prévu, qui nous fera être au «diapason», en « résonance » avec cet autre, nous permettra parfois d’être en «synchronie avec», de poser un geste, une parole ou un silence qui s’avèreront «juste», «justesse» avec ce qui s’est passé entre nous dans la singularité de cet instant-là, dans nos singularités conjuguées.
Sentir est la base de toute pensée. Traverser des émotions, éprouver des sentiments font partie de notre présence et demandent, après-coup, que nous les reprenions, les parlions, que nous comprenions ce qui est dit de cet autre et de nous.

Éthique de l’altérité
Tous ces métiers sont liés par une éthique de l’altérité. Qu’est-ce à dire ? L’autre est un sujet et jamais un objet dont on parle. Nous nous adressons à lui en tant que sujet, et non pas à un «il» désincarné dans des chiffres.
Nous sommes dans une intersubjectivité, attentifs à tous les processus de déshumanisation, d’humiliation, d’emprise, de violence physique et psychique. C’est là notre résistance humaine.
Chacun à notre place.  L’humanité n’est pas héréditaire», écrit Marie Balmary.

Mise en mouvement d’apprendre
Qu’est-ce qui nous a mis en mouvement d’apprendre malgré les difficultés inhérentes à tout apprentissage ? Aujourd’hui, comme hier, nous souhaiterions savoir sans apprendre. Nous avons de la peine à nous confronter à notre difficulté, alors nous sabotons, nous rejetons l’enseignant, nous devenons agressifs.
Il revient à nos métiers, quels qu’ils soient, d’ouvrir, d’accompagner la difficulté, d’être «aux côtés de». Il ne s’agit pas de «motivation», mais de quelque chose du désir.
Le désir ne s’apprend pas, il se suscite. Comme enseignant nous n’avons pas à l’oublier.

Des repères pour la dimension relationnelle et affective
Abordons quelques-uns des éléments spécifiques à la dimension relationnelle de la transmission, particulièrement ceux qui vous concernent. Je m’appuie ici sur certaines paroles recueillies dans l’enquête de Véronique Berthier.

Une asymétrie qui ne peut être gommée
Cette relation est asymétrique, elle est liée au fait que l’un possède un savoir que l’autre souhaite s’approprier. Que nous disions «tu», ou «vous», que nous souhaitions une relation égalitaire entre adultes, que nous estimions apprendre aussi de nos élèves, que nous ne voulions pas faire autorité ou maître, cela ne gomme pas le fait que nous occupons la place enviable de celle ou celui qui en sait un peu plus. Donc qui est une surface de projection, un être sur lequel l’une ou l’autre peut se projeter. Ce savoir nous donne une autorité dans le bon sens du terme : qui «autorise».
Ce savoir ne nous donne cependant pas un pouvoir sur l’autre. C’est une distinction qu’il s’agit de ne pas perdre. La société actuelle et nous-mêmes, au privé comme au professionnel, avons des difficultés avec cette «autorité», car nous la confondons avec «abus de pouvoir», «autoritarisme». Accepter de «faire autorité» pour d’autres, qu’on vous reconnaisse une autorité, vous enjoint à des responsabilités et des devoirs pour ne jamais en abuser. On parle aujourd’hui non plus d’une autorité de fonction que nous aurions automatiquement mais d’une autorité de discussion qui prend du temps pour être reconnue. Une telle autorité demande de l’humilité, avec la reconnaissance de notre ignorance même si nous en savons beaucoup. Une autorité de «sagesse». Utiliser son savoir comme pouvoir pour humilier, rejeter, disqualifier, contraindre un autre comme s’il n’était qu’un objet est ce qui, de génération en génération, provoque de la souffrance.
Gommer cette asymétrie n’est pas bénéfique, cela nous met en posture d’avoir à réagir et parfois, nous retrouvons très vite les travers de l’autoritarisme. Je ne soutiendrai pas non plus qu’une relation professionnelle est amicale. L’amitié est une construction dans le temps et à deux. Elle peut certes advenir dans une relation professionnelle, mais rarement et jamais tout de suite, souvent après bien des années.

Les motions tendres et les motions agressives
Toute relation humaine est un accélérateur d’inconscient, ce qui exige de nous y repérer lorsqu’il y a trop d’affect, trop de passion. Tomber amoureux ou amoureuse de son enseignant, de son thérapeute est un processus habituel, qui est à la fois un frein et un moteur. La psychanalyse en a parlé sous le nom de «transfert», qui a fait problème dès le départ de la relation thérapeutique et qui il le fait, toujours et encore.
Motions tendres ou agressives. Une hypothèse est ici à considérer : nous revivons la relation à un autre professionnel à travers ce que nous avons déjà vécu. Passé et présent se mêlent. Si nous avons été blessés dans nos relations passées, nous allons vivre le présent avec ces blessures. Ne nous trompons pas, quand il y a surgissement de l’amour dans une relation professionnelle, il s’agit d’un vrai amour, mais qui se trompe d’objet. Du côté d’un professionnel, l’erreur est de croire que ces motions d’amour le concernent en tant que personne. «C’est pour nos beaux yeux, cela nous flatte, nous le prenons pour des marques qui gonflent nos «moi», nous nous sentons bons, même admirables, et c’est pourquoi on nous aime». Il s’agit là d’une erreur d’adressage. Ce n’est pas vraiment «pour nos beaux yeux». Ne pas le comprendre constitue un véritable danger, nous nous autorisons, forts de ces motions tendres, à passer à l’acte charnel, nous utilisons cette dépendance, cette fragilité, pour nos propres pulsions. Il y a pourtant un «interdit d’inceste» qui structure nos professions, comme il structure les relations familiales. Qu’un autre cherche notre reconnaissance, tente de nous séduire, ne ménage pas ses louanges, clame son admiration, idéalise ce que nous sommes, il est en quelque sorte dans son droit, le nôtre étant de l’accompagner jusqu’à ce qu’il comprenne, pour lui, ce qu’il rejoue, veut réparer, obtenir enfin …
Séduction, éloge, admiration, demande de reconnaissance, demande d’amour, d’attention, idéalisation, sont des processus que l’on rencontre nécessairement. «Il peut y avoir un amour réciproque qui naît», objecterez-vous. Oui, mais alors en dehors des cours. L’amour se différencie de la séduction, il se construit dans notre réalité quotidienne, avec nos maladresses, nos limites et nos possibles et, ce, dans une durée. Pas dans la projection, l’appropriation séductrice d’un instant, puis le rejet l’instant d’après.
Les motions agressives sont du même ordre. Sont-elles adressées à moi, à mon cours, ou sont-elles une projection de quelque chose qui concerne le passé d’un élève ? Mes propres pulsions agressives face à un élève concernent-elles vraiment cet élève, ou je projette sur lui quelque chose qui ne le concerne pas ? C’est le phénomène des chouchous et des têtes à claques. Nos métiers demeurent, parfois encore, dans des processus d’humiliation, de moquerie, d’attaque de l’autre, de réduction à ce qu’il est aujourd’hui, de harcèlement sur la norme du corps, l’appartenance sociale, l’appartenance nationale. Nous en sommes capables.
L’apprentissage, la transmission peuvent ne pas passer par la souffrance infligée sur les corps et les âmes. Qu’est-ce qui nous dérange chez un autre, pour que nous le poursuivions de nos paroles blessantes ? Quelles sont les effets de nos préférences, nos élections et nos proximités avec celles et ceux qui nous ressemblent ? À chaque fois, de notre part, il y aurait à engager un travail psychique pour comprendre ce qui vient de nous et ce qui vient d’un autre. Pour rester en lien en évitant la rupture. Pour espérer la transformation des affects en forces pour apprendre.
Nous pouvons nommer ce qui se passe avec nos mots, préserver notre confiance, recevoir l’agressivité sans réagir en mémoire, accueillir les motions tendres sans y répondre sur le même registre. Cela fait partie de notre éthique. La poursuite de la relation professionnelle ne dépend toutefois pas seulement de nous. Un pareil travail psychique aurait à être initié du côté de l’autre. Pas avec nous, du moins ce serait préférable. Et là nous pouvons nous heurter à son refus d’entendre ce qui se passe en lui, comme répétition, comme souffrance revenant à la même place que dans son passé. Toute relation dépend de deux et non d’un seul.
Vous me répondrez peut-être : «Nous travaillons avec le corps, nous ne sommes pas des thérapeutes, nous n’avons pas les capacités de nous y repérer». J’insisterai : ce sont là des phénomènes humains, chacun d’entre nous peut s’arrêter, écrire, parler pour essayer d’accueillir les flambées des sentiments d’un côté comme de l’autre. Nous y repérer dans notre profession, mais également dans notre quotidien relationnel, avec nos proches, nos enfants2.

Le cadre
Quand on tombe amoureux de vous…, cela finit par être une charge. Nous ne l’avons pas vu venir. Nous avons certes été attentifs à la personne, lui avons donné peut-être davantage qu’à d’autres, et voilà qu’émerge un affect qui nous devient lourd à recevoir. Une question ne manque pas de surgir : «Ne pourrions-nous pas empêcher ces phénomènes d’advenir ?» Ou sinon «comment les contenir ?»
Poser un cadre, des limites (de temps), des repères à notre disponibilité, apporter des précisions quant à ce qui se donne et se reçoit, être explicite sur l’argent demandé … Ne pas faire de différences entre les élèves, même si les uns sont plus gratifiants que d’autres. Accueillir la difficulté comme ce qui nous met en mouvement de réfléchir, de trouver d’autres voies. Ne pas vouloir qu’un autre soit à notre image, accompagner son chemin à lui, avec respect et tact. Autant de balises indispensables qui néanmoins n’empêchent pas forcément les débordements, mais qui permettent de les accueillir et de pouvoir s’y référer comme éléments tiers sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour tenter de les réguler.
Dites-vous que ce sont là autant d’expériences, même si désagréables, qui augmentent nos connaissances et compétences. Nous évoluons grâce à nos élèves, mais pour cela nous avons à continuellement apprendre d’eux, à nous tenir dans une certaine humilité et non pas à croire avoir raison en toute chose.

Les abus
Nous sommes aujourd’hui dans une époque où chacun se méfie de l’autre, où le juridique est une arme contre l’autre, nous avons peur, peur de toucher, peur d’être attaqués, dénoncés. Alors que les personnes, qui utilisent l’autre comme un objet, n’éprouvent généralement pas cette peur. Elles sont dans leur vérité, dans la croyance d’une unique vérité leur donnant un pouvoir, toutes celles et ceux qui ne les rejoignent pas étant éjectés, traités comme ennemis. La relation humaine est vulnérable. L’abus de pouvoir intervient lorsque quelqu’un utilise la fragilité d’un autre pour ses propres pulsions, ses bénéfices, en lui faisant croire que c’est ainsi qu’il va guérir, être sauvé.
Ce sont des relations perverses qui finissent par nous détruire psychiquement. Nous nous en voulons ensuite d’avoir cru que c’était une «élection» à notre endroit de la part d’un enseignant que nous estimions, sa façon de nous faire grandir, lui qui a tant de savoirs et d’expériences, de nous sortir de nos souffrances et de notre ignorance, de nous reconnaitre comme faisant partie des siens. Il nous en avait fait la promesse. Alors que nous découvrons qu’il possède un «ego» démesuré, qui ne supporte aucune comparaison, aucune résistance ou différence, et qu’à l’élection succède le rejet si nous osons apporter une différence. Il s’approprie nos énergies, vit de notre soumission.
Vous avez peut-être eu à vivre de telles relations, que l’on rapproche des phénomènes sectaires. De ces expériences, quand vous avez pu vous en tirez, construisez votre éthique. Nous nous construisons, aussi et parfois surtout, «contre».

Travailler ensemble, penser, analyser notre quotidien, avoir quelqu’un à qui parler
Dans les métiers où le corps est en jeu, où vous êtes dans une tradition autre que celle occidentale mais où vous exercez en Occident, il y a à réfléchir à partir des «accidents» de votre pratique. Il s’agit non pas de viser une maîtrise des émotions comme on le serine aujourd’hui, mais d’accepter d’éprouver des sentiments et de les mettre au travail, ensemble, sans en avoir honte, sans vous sentir en faute mais en progression.
Travailler la relation, c’est penser ensemble, avoir des lieux où raconter ce qui arrive, élaborer avec d’autres, comme dans tous les métiers. C’est ce temps qui, souvent, n’est plus pris. Qu’une profession se donne des guides éthiques, que ceux-ci soient partagés avec nos élèves, est une première chose. Un travail éthique est surtout dans le quotidien de nos gestes et paroles, et non pas dans des textes qui promettent sur papier ce qui est transgressé dans les actes.
Vous n’êtes pas des thérapeutes, mais vous pouvez avoir des gestes qui permettent à l’autre de grandir, d’évoluer. Ne pas nous prendre pour un thérapeute, mais «soigner» nos gestes, nos paroles, nos silences. Comprendre nos limites. Aider certes, être davantage présent, oui. Toujours avec la conscience de là où est notre limite. La demande d’amour, de présence qu’un autre nous adresse devient parfois envahissante ; elle n’a pas, elle, de limites, elle est dans le «toujours davantage», le «encore et encore». La relation «privilégiée» comme on l’appelle se retourne facilement en relation d’agressivité, de haine même. Après vous avoir aimé, on vous déteste. C’est la souffrance des relations humaines.

Vos spécificités
Vous avez des spécificités dans vos pratiques qu’il s’agit de prendre en compte, c’est à vous d’y réfléchir ensemble pour vous y repérer. La question du corps, de la philosophie, de l’ésotérisme, des dérives sectaires… vous concerne, comme d’autres. Cette conférence ne peut que vous offrir le début d’un travail qui reste le vôtre, c’est du moins ce que j’espère.

Conférence adressée le 29 décembre 2022

1 Voir Cifali M., Préserver un lien. Éthique des métiers de la relation, PUF, 2019.

2 Pour davantage de précisions, voir Cifali, M., Le lien éducatif : contre-jour psychanalytique, PUF, 1994 (7ème tirage, 2017), pp. 163 – 204.

Ecrit par CIFALI Mireille

Mireille Cifali est une historienne et psychanalyste suisse.
Elle est professeure honoraire de sciences de l'éducation à l'université de Genève, où elle a tenu une chaire intitulée "Analyse du lien éducatif".
Elle travaille également dans le secteur "Formation d'adultes" du Laboratoire Recherche  Intervention Formation Travail (RIFT) de l'université de Genève.

https://mireillecifali.ch

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